Tennis – Coupe Davis : l’indispensable Yannick Noah
La France tient son dixième Saladier d’argent, seize ans après. Seize ans durant lesquels se sont succédé les frustrations, avec une génération prometteuse qui a tardé à répondre aux attentes. Il aura fallu que Yannick Noah revienne. Sa présence semble aujourd’hui indissociable des récents succès du tennis français. Désormais capitaine français le plus titré en Coupe Davis (1991, 1996, 2017), il manie l’art de trouver la bonne recette. Quitte à tâtonner. Quitte à surprendre. Quitte à décevoir. Quitte à piquer. Le public, la presse. Ses propres joueurs. De la mise à l’écart du duo Mahut-Benneteau, en passant par le choix de Richard Gasquet pour le double, jusqu’au maintien de Lucas Pouille pour le 5e match décisif, la semaine dernière illustre bien le numéro d’équilibriste du capitaine.
La déception consécutive aux trois finales perdues (2002, 2010, 2014) avait fini par complexer les Bleus. Ils n’avaient plus l’assurance de gagner, comme l’a reconnu le capitaine dans un long monologue de 10 minutes adressé aux journalistes, dimanche, après la victoire. « C’est dur, parce que quand tu ne gagnes pas pendant 16 ans, tout le monde s’habitue à perdre. J’avais oublié ça. »
Noah avait déjà gagné. Il sait comment faire. Du moins, il n’est jamais très loin quand ça gagne. Alors, a-t-il changé ? Pendant le week-end, on a guetté. On a scruté. On a tenté de déceler le moindre indice dans ses attitudes, ses mimiques. Que veut-il transmettre ? Comment s’y prend-il pour conditionner ses joueurs ? Depuis que certains de ses gars ont reconnu l’impact de son activité sur le bord, il se fait plus mesuré. Il s’adapte.
En chef d’orchestre pointilleux, il ne néglige pas l’environnement. « On a l’ambiance que l’on attendait, 3 000-4 000 supporteurs belges organisés et à fond et de notre côté, 3 000-4 000 supporteurs, et puis 20 000 spectateurs », déclarait-il vendredi au terme de la première journée. Décocher une flèche en direction du public, c’est prendre le risque qu’elle vous revienne dessus. Mais aussi de réveiller son orgueil. Et samedi, quand le soutien a probablement atteint son paroxysme, c’est l’énergie des tribunes qui a poussé la paire française à remporter le succès-clé de cette finale. Pierre-Hugues Herbert lui-même le concédait : « Il est certain qu’on a été vraiment aidés, le public a été présent aujourd’hui, on l’a ressenti. C’est d’ailleurs peut-être pour ça qu’on a réussi à tenir, à ne pas se lâcher. »
Victoire d’équipe
Le salut de cette équipe de France passait aussi par sa capacité à se regrouper autour d’un objectif. Mais la notion de groupe chère à chaque sport collectif s’avère une science inexacte. Noah y a d’emblée consacré son discours. Il y a deux ans, lors de sa prise de fonction, mais également dimanche soir. « Notre truc, c’était ensemble depuis le début. Après, on a changé parce qu’on trouvait que ça swinguait moyen, mais le fond du truc, c’est qu’on est ensemble, toujours. » Un fil rouge respecté presque à la lettre. Tsonga avait évoqué une parenthèse en 2017 après la naissance de son premier enfant, avant de finalement se remettre à disposition contre la Serbie. Absent cette année, Monfils en a, lui, fait les frais, même s’il n’a pas été aidé par son corps. La victoire de 2017 est une victoire d’équipe avant tout. Quel que soit le sens qu’on y donne, les quatre joueurs ont contribué à apporter chacun au moins un point.
La part de maîtrise et d’improvisation du capitaine sur le synopsis de cette campagne ? Qu’importe ! La réussite dans le sport de haut niveau impose de savoir combiner les deux. Il sera facile de justifier la victoire par un niveau d’adversité un cran en dessous de celui de nos derniers bourreaux, qu’ils soient serbes en 2010 – encore que, pas sûr que le Djokovic de fin 2010 soit immensément supérieur au Goffin de fin 2017 – ou suisses en 2014. Et s’il n’est certainement pas dupe, Noah ne s’est pas privé de rappeler quel pouvaient être la valeur et le poids d’une finale de Coupe Davis jouée devant 27 000 personnes qui patientent depuis seize ans : « On a vécu une semaine de malade. Je n’ai jamais chialé autant, je n’ai jamais vu autant de larmes, de douleurs, je n’ai jamais autant parlé aux êtres humains. Ça n’a rien à voir avec le tennis. » La rançon de la gloire. À moins que ça ne soit le prix du soulagement.
Source : http://www.lepoint.fr/sport/tennis-coupe-davis-l-indispensable-yannick-noah-27-11-2017-2175346_26.php